Appelée aussi « Marguerite de France » et plus tard « Marguerite de Navarre », cette princesse était fille de Charles d’Orléans et de Louise de Savoie, et sœur du roi François 1er. Par sa culture et par son talent poétique, elle occupe une place de choix dans la littérature de son temps. Veuve du duc Charles d’Alençon, elle se remaria en 1527 avec Henri d’Albret, roi de Navarre. Elle était la mère de Jeanne d’Albret et la grand-mère d’Henri IV. Pour de plus amples détails, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_de_France_(1492-1549)  ou  http://www.museeprotestant.org/Pages/Notices.php?scatid=5&cim=0&noticeid=211&lev=1&Lget=FR  Marguerite d’Angoulême protégea de nombreux protestants et les accueillit à sa cour de Nérac. Les trois poèmes ci-dessous reflètent sa foi en Christ.

Épître

Si Dieu m’a Christ pour chef donné,
Faut-il que je serve autre maître ?
S’il m’a le pain vif ordonné,
Faut-il du pain de mort repaître ?
S’il me veut sauver par sa dextre,
Faut-il en mon bras me fier ?
S’il est mon salut et mon être,
Point n’en faut d’autre édifier.
S’il est mon seul et sûr espoir,
Faut-il avoir autre espérance ?
S’il est ma force et mon pouvoir
Faut-il prendre ailleurs assurance ?
Et s’il est ma persévérance,
Faut-il louer ma fermeté ?
Et pour une belle apparence,
Faut-il laisser la sûreté ?
Si ma vie est en Jésus-Christ,
Faut-il la croire en cette cendre ?
S’il m’a donné son saint écrit,
Faut-il autre doctrine prendre ?
Si tel maître me daigne apprendre,
Faut-il à autre école aller ?
S’il me fait son vouloir entendre,
Faut-il par crainte le celer ?
Si Dieu me nomme son enfant,
Faut-il craindre à l’appeler père ?
Si le monde le me défend,
Faut-il qu’à son mal j’obtempère
Si son esprit en moi opère,
Faut-il mon courage estimer ?
Non, mais Dieu, qui partout impère*,
Faut en tout voir, craindre et aimer.

(*) règne

Deux « Chansons Spirituelles »: Si quelque injure l’on vous dit…

Si quelque injure l’on vous dit,
Endurez-le joyeusement,
Et si chacun de vous médit,
N’y mettez votre pensement
Ce n’est chose nouvelle
D’ouïr ainsi parler souvent
Autant en emporte le vent.

Et si pour votre Foi gâter
Vous vient louer de vos beaux faits,
En vous disant (pour vous flatter),
Qu’il vous tient du rang des parfaits ;
Fuyez parole telle,
Qui amène orgueil décevant,
Autant en emporte le vent.

Si l’on vous dit qu’en autre lieu
L’on puisse trouver réconfort,
Et vrai salut, qu’en un seul Dieu,
C’est pour mettre votre âme à mort,
Montrez vous lors rebelle,
Et démentez le plus savant,
Autant en emporte le vent

Si quelqu’un parle de la Foi
En la mettant quasi à rien
Au prix des œuvres de la Loi,
Les estimant les plus grands biens,
Sa doctrine est nouvelle,
Laissez-le là, passer avant ;
Autant en emporte le vent.

Si le monde vous vient tenter
De richesse, honneur et plaisir,
Et les vous vient tous présenter,
N’y mettez ni cœur ni désir :
Car cette chose temporelle,
Retourne où était paravant
Autant en emporte le vent.

Voici nouvelle joie

Voici nouvelle joie,
La nuit pleine d’obscurité
Est passée ; et voici le jour
Auquel marchons en sûreté,
Chassant toute peur par amour,
Sans que nul se dévoie :
Voici nouvelle joie.

L’hiver plein de froid et de pleurs
Est passé tremblant et glacé ;
L’été plein de verdure et fleurs
Nous vient plus beau que l’an passé ;
Ore chacun le voie :
Voici nouvelle joie.

L’arbre sec et fâcheux à voir,
Raboteux et dur à toucher,
Que nul ne désirait avoir,
Maintenant pouvons le toucher :
II fleurit et verdoie,
Voici nouvelle joie.

Le rossignol qui s’est fâché
Pour la rigueur de l’hiver froid,
Maintenant il n’est plus caché
Mais sur la branche il se tient droit :
Il jargonne et verboie,
Voici nouvelle joie.

Le Fidèle dedans la Loi
Tout caché, tremblant et peureux,
Par la lumière de la Foi
Voit clair et devient amoureux
De Dieu, que le convoie :
Voici nouvelle joie.

Il se connaît tout délivré
De péché et damnation ;
Il se sent de joie enivré
Par la divine Élection
Qui tout bien lui octroie :
Voici nouvelle joie.

L’arbre de Croix, de peine et mort,
Que tant avait eu en horreur,
Maintenant c’est le réconfort
Où il a attaché son cœur
Afin qu’il ne dévoie :
Voici nouvelle joie.

Lui qui craignait les gens hanter
Et cachait par crainte sa voix,
Maintenant ne fait que chanter
Dessus l’épine de la Croix ;
Il faut que l’on le croie :
Voici nouvelle joie.

Il est dehors d’hiver et nuit,
Il n’est plus sec, mais florissant ;
Mort et Péché plus ne lui nuit ;
Il est content dans le Puissant.
Vérité, Vie et Voie :
Voici nouvelle joie.

Similar Posts